Son père avait été tué à Kiel, sur le môle. Son oncle était entré dans Hambourg aux commandes de son char. Sa mère était morte de faim dans les ruines de Londres, après l'assassinat du roi. Mais le lieutenant avait réussi à rester en vie. Il avait jeté ses décorations et ses galons dans la boue en faisant le voeu que tous les gouvernements s'effondrent et que toutes ces horreurs cessent.
Pourtant la Troisième-Quatrième-et-Cinquième Guerre mondiale avait continué. Il y avait quatre ans que le lieutenant n'avait plus reçu d'appels radio : il n'y avait plus de pièces de rechange pour réparer les postes. Le monde n'était plus qu'une fosse commune où reposaient trois cents millions de cadavres.
Le lieutenant, d'après ses ennemis, avait une façon presque vampirique de sourire et une expression de sérénité qui ne le quittait jamais. Il avait découvert que les émotions étaient plus dangereuses que les balles. Ses hommes l'aimaient bien car il ménageait leurs vies. |