Voici des récits dont certains comptent parmi les plus anciens des Jours Anciens. Tolkien venait de participer à la bataille de la Somme, il était ébranlé, malade, quand il composa «La Chute de Gondolin», où Morgoth, le Sombre Seigneur, trouve le chemin du royaume caché et se présente avec toute son armée devant la cité forte; de là un carnage auquel n'échappèrent que quelques elfes en s'enfuyant avec Earendel, petit-fils du roi.
On échappe mal à l'impression que le royaume caché, c'est l'Angleterre — protégée par son Channel — et que l'invasion de Morgoth exprime l'angoisse de l'auteur devant les hordes acérées des Teutons. Cependant le ton ignore la peur; il est tout de grandeur héroïque, de même que le «Conte de Beren et de Tinuviel» (qui prendra le nom de Luthien) respire l'élégie et même l'érotisme — un registre peu fréquent chez Tolkien.
On a pu montrer que l'auteur pense très précisément à Edith, sa femme, quand il écrit : «Elle avait les cheveux d'un noir de jais, la peau blanche, les yeux brillants, et comme elle chantait — comme elle dansait !» Les deux amants partent pour la forteresse de Morgoth, à qui ils vont tenter — comme plus tard Frolon — d'arracher le joyau magique serti dans sa Couronne de Fer. A bientôt la fin du Premier Âge du Soleil. |