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 Poppy Z. Brite ne recule devant aucun tabou et une nouvelle fois, elle le  prouve avec son Corps Exquis. Elle s’attaque ici au genre du thriller  horrifique mettant en scène des tueurs de série, genre devenu populaire  depuis la fameuse série de Thomas Harris mettant en scène Hannibal  Lecter.
 
 Pourtant, il ne s’agit pas ici de la part de Poppy Z. Brite d’un changement  radical de cap par rapport à ses romans traitant de vampires. Au  contraire, on y retrouve toutes ses obsessions : homosexualité,  perversion sexuelle, monde de la nuit, déviance radicale, ambiance  sulfureuse de la Nouvelle-Orléans,… Tout simplement, les vampires sont  remplacés ici par des tueurs en série homosexuels qui ne reculent  devant aucune cruauté pour satisfaire leurs fantasmes.
 
 C’est une œuvre forte, dérangeante dans laquelle Poppy Z. Brite  s’ingénie à reculer les limites de l’horreur et nous plonge dans l’esprit  pervers des tueurs dont elle nous conte l’histoire avec brio. Le roman est  à déconseiller à tous ceux qui n’ont pas le cœur bien accroché. Il baigne  de la première jusqu’à la dernière ligne dans une ambiance glauque,  désespérée où l’ambivalence sexuelle se double de perversions raffinées  et cannibales.
 
 Rien n’est épargné aux lecteurs, les scènes de torture, de cannibalisme  et de mise à mort sont racontées longuement avec un grand renfort de  détails et, parfois même, du point de vue des victimes qui les subissent.  Poppy Z. Brite expose l’histoire de ces personnages de manière  détachée, sans aucun moment poser un quelconque jugement à leur  égard.
 
 Paradoxalement, mais Poppy Z. Brite est la maîtresse du paradoxe, le  thème central de l’ouvrage est l’amour et la passion exacerbée pour le  corps de l’être aimé. Poppy Z. Brite nous livre la vision d’êtres brisés,  déchirés par leurs passions, totalement possédés par leurs désirs et dont  le déroulement de leur existence semble entièrement tributaire de la  satisfaction et de l’insatisfaction de la réalisation de ces derniers. Mais la  volonté de posséder sexuellement le corps de l’être désiré, finit par  devenir une obsession qui ne peut se résoudre qu’en dévorant ce corps  exquis…
 
 Ce roman est un pur chef d’œuvre, une plongée abyssale dans les  gouffres les plus sombres de l’inconscient afin de révéler aux lecteurs la  réalité organique de nos désirs, sur fond d’une histoire d’amour entre  deux tueurs en série homosexuels. Toutefois, ce livre est à réserver  uniquement à des lecteurs avertis qui n’ont pas peur de se retrouver  confrontés à une vision extrême du monde.
 
 Jeremy BLAMPAIN
 
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